Scénariste, réalisateur et artiste d’effets visuels (VFX) nommé au BAFTA, le luxembourgeois Jeff Desom rejoint cette année notre Jury International.
LUXFILMFEST Celles et ceux familier·ère·s avec le Festival et la scène culturelle luxembourgeoise se rappelleront de vos court-métrages, de votre trailer pour la Cinémathèque ou encore de votre fantastique exposition Holorama. Vous êtes connu pour être un touche-à-tout. Comment est-ce que vous vous définiriez ?
JEFF DESOM Dans les films, il y a toujours ce contact dans le répertoire des gens, celui qu’on appelle au beau milieu de la nuit quand quelque chose ne se passe pas du tout comme prévu et qu’on a besoin d’une personne avec un profil couteau suisse pour faire disparaitre le problème. C’est ce que j’ai l’impression de faire une grande partie du temps. Comme j’ai porté les deux casquettes, celle du réalisateur et celle du superviseur ou généraliste VFX, je suis dans une position unique où je peux combler cette lacune pour les autres.
LFF Vous êtes parti du Luxembourg pour vous installer à Los Angeles. Qu’est-ce qui vous y a amené ?
J. D. J’avais l’impression que tous les signes m’indiquaient LA. J’ai gagné des prix et j’étais invité à des festivals ici, aux États-Unis. Des gens comme les Daniels (Daniel Kwan et Daniel Scheinert) étaient fans de mon travail avant même que je ne les rencontre. J’avais l’impression que les portes m’étaient grandes ouvertes à LA alors que je devais lutter pour pouvoir faire la moindre chose en Europe, où le système est très rigide. J’ai récemment fondé ma propre société d’effets visuels ici avec les autres artistes qui ont travaillé sur Everything Everywhere All at Once, on travaille principalement sur des longs métrages. Cette année, en plus de publicités pour Nike ou Louis Vuitton par exemple, nous avons eu plusieurs projets intéressants et avons eu l’occasion de travailler avec des artistes comme Donald Glover ou Gia Coppola.
LFF Vous avez fait parler de vous quand vous avez fait partie de l’équipe d’effets spéciaux du film Everything Everywhere All at Once. Quels sont vos souvenirs de cette
expérience?
J. D. Quand j’ai rejoint le projet, personne n’aurait pu prédire la trajectoire que prendrait le film. Mes amis avaient besoin d’aide et j’étais heureux de rejoindre l’équipe. C’était clair que le projet était unique, mais c’était un film indépendant et personne n’aurait osé rêver qu’il aille jusqu’aux Oscars et qu’il remporte le prix du meilleur film.
Nous étions une toute petite équipe de quatre, bricolant des plans chacun dans sa chambre, car c’était l’époque de la pandémie. Rétrospectivement, cette façon de réaliser le film paraît très risquée, mais nous nous en sommes sortis et nous avons beaucoup appris sur nous-mêmes. Nous avons trouvé de nouvelles façons de créer des effets visuels sans avoir besoin d’équipes de centaines d’artistes et nous pensons que c’est l’avenir de la création VFX.
LFF Le milieu se souvient encore du scénario d’un projet fantastique qui n’a jamais vu le jour. Y a-t-il encore un espoir que vous réalisiez enfin un long métrage au Luxembourg ?
J. D. Il m’est difficile de répondre à cette question sans paraître rancunier. J’ai essayé tellement de fois de faire démarrer un projet au Luxembourg pour être rejeté pour des raisons vagues ou pour voir mes capacités de réalisateur remises en question parce que je suis débutant. Je n’ai pas encore abandonné, mais je dois aussi gagner ma vie.
LFF Vous ferez partie du grand jury du prochain LuxFilmFest. Qu’attendez-vous de cette expérience?
J. D. Je ne pense pas avoir jamais fait partie d’un jury auparavant. J’ai toujours redouté ce moment parce qu’il introduit un élément de compétition dans l’art : je veux juste que tout le monde gagne et soit heureux !
Interviewé par Alexis Juncosa